Une soirée, quatre chorégraphes. Trois hommes et une femme. Quatre noms à l’affiche dont l’un ressortait plus que les autres, celui de Crystal Pite. L’an dernier, lors de l’ouverture de la saison, la canadienne avait fait sensation avec The Seasons’ Canon dont la reprise était plus qu’attendue. Mais, avant de le revoir, la directrice de la danse, Aurélie Dupont, a convié pour la première fois à l’Opéra trois autres chorégraphes : James Thierrée, Hofesh Shechter et Ivan Pérez.

La soirée débute ainsi un petit quart d’heure plus tôt dans les espaces publics de Garnier avec Frôlons, la création de James Thierrée. Le grand escalier du Palais Garnier prendrait presque des allures de Disneyland et de sa tour de la terreur lorsque la voix off surgit des micros dans la lumière tamisée. De là, de part et d’autre surgissent les danseurs, vêtus de tuniques et collants noirs et dorés. On nous invite à déambuler et à les suivre dans les différents espaces, de la Rotonde des abonnés jusqu’au Grand Foyer. Pendant ce temps, des sortes de larves à épines se faufilent parmi les spectateurs, guidées par des hommes en noir et leur torche. Il faut avouer que les espaces sont bien utilisés.

S’il faut privilégier un endroit, ce serait plutôt la rotonde des abonnés. En revanche, c’est moins le cas des danseurs. Après une demi-heure de déambulation, le public est invité à rejoindre la grande salle. Une grande chrysalide est déployée sur la scène. L’effet visuel est réussi. Les frel


ons regagnent la scène avant un dernier salut.

Les frôlons de James Thierrée

Les frelons de James Thierrée dans la Rotonde des Abonnés

Changement d’ambiance pour la deuxième partie avec The Art of Not Looking Back de l’Israélien Hofesh Shechter. Le chorégraphe fait directement référence à sa mère qui l’a abandonné à l’âge de deux ans. La pièce autobiographique met en scène un groupe de huit danseuses. La musique est assourdissante, entre onomatopées, paroles ou cri. La chorégraphie révèle de beaux passages. La dernière partie,  au cours de laquelle les danseuses reprennent en accéléré des séquences de la pièce, est  réussie. Dommage que le style ne soit pas complètement adapté aux danseuses de l’Opéra. On repère quand même Marion Barbeau et Caroline Osmont. 

Après les filles, suivait The Male Dancer, la création d’Ivan Pérez, autre chorégraphe en vogue. L’espagnol a choisi une pièce uniquement pour les hommes avec des costumes assez inattendus et exhubérants (grand peignoir à col de fourrure, tunique fleurie, paillettes roses…). Les danseurs ont pu choisir ceux dans lesquels ils se sentaient le plus à l’aise. La pièce débute avec un clin d’oeil au faune de Nijinski avec Daniel Stockes, tandis que Marc Moreau esquisse dans son costume à paillettes rose l’une des célèbres poses du Spectre de la rose de Fokine. L’idée est bonne mais l’ensemble s’essouffle et les longueurs pointent vite le bout de leur nez. Le solo de Mathieu Ganio donne un regain d’intérêt. Mais globalement, il manque quelque chose à cette pièce.

Retrouvailles avec Crystal Pite

A l’entracte, certains tentent de s’éclipser. Il faut bien avouer que trois heures de spectacle c’est long, surtout lorsqu’il fait un temps estival dehors. Heureusement, l’appel du Pite et de son Seasons’Canon les convainc de rester. Un an après sa découverte, le ballet paraît encore plus fascinant. La façon de se mouvoir des danseurs en parfaite symbiose avec la partition de Richter, donne un effet bluffant. Le ballet paraît encore plus abouti qu’à la création. La diagonale de ports de bras, en canon, dans la pénombre est incroyable et d’une précision folle.

Cette pièce met en avant un groupe, mais on ne peut pas passer à côté de la puissance de Marie-Agnès Gillot, qui faisait le samedi 26 mai ses dernières apparitions sur la scène de Garnier. Sans oublier, la fougue de François Alu et ses sauts époustouflants, ou le charisme d’Éléonore Guérineau, également superbe. De leur côté, Alice Renavand et Adrien Couvez forment un beau duo, tout comme Sylvia Saint-Martin ou Vincent Chaillet. 

L’attente est longue, mais elle est méritée. La soirée se termine par une standing ovation. Ce Pite est galvanisant. 

Si vous l’avez manquée, la soirée a été diffusée sur Arte Concert le jeudi 24 mai (avec la première distribution pour le Pite et le Pérez). Elle est en ligne jusqu’au 23 novembre 2018.