Tout rêve de balletomane est d’aller voir un ballet dans le pays et la ville où il a été créé. Saint-Petersbourg est l’une des destinations que je rêvais de faire. D’autant plus que l’année 2018 marque le bicentenaire de la naissance de Marius Petipa, le créateur des grands ballets en trois actes (La fille du Pharaon, La Belle au bois dormant, Raymonda, Casse-Noisette, Le lac des Cygnes, etc). En mars, le Théâtre Mariinsky organisait un festival en hommage au chorégraphe français. Le samedi 31 mars dernier, La Bayadère était donnée sur la scène historique du théâtre. Une belle opportunité pour une escapade balletomane !
Sur la partition de l’autrichien Léon Minkus, le ballet contant les amours de Nikiya et du guerrier Solor a été créé par Marius Petipa en 1877. La première a eu lieu précisément sur la scène du Théâtre Bolchoï Kammeny de l’ancienne capitale impériale (les ballets ont été transférés au Mariinsky dès 1886). La version présentée actuellement au Théâtre Mariinsky est celle de Vladimir Ponomarev et de Vakhtang Chabukiani (1941). C’est sur cette version que Rudolf Noureev s’est basé pour remonter le ballet à Paris en 1992.
Une fois passée l’émotion de s’installer dans le théâtre aux sièges de velours bleu, place à l’exotisme de La Bayadère. La distribution du 31 mars dernier réunissait Olesya Novikova et Vladimir Shklyarov dans les rôles principaux. Olesya Novikova fait partie des danseuses que je rêvais de voir sur scène. J’aime sa sensibilité et la délicatesse de sa danse. La danseuse aux longs bras de cygne est une Nikiya lyrique et avec le tempérament qu’il faut. Je retiens ses cambrés dans le pas de deux de l’esclave et ses magnifiques arabesques, suspendues dans le temps, dans la variation du serpent au deuxième acte. Sans oublier son répondant face à Gamzatti lors de la confrontation au premier acte. À ses côtés, Vladimir Shklyarov est un Solor de haute volée. Bondissant et puissant, sa variation où il enchaîne grands jetés et tours à toute vitesse est un régal. Dommage que le costume dont le haut laisse le bas du buste du danseur visible ne mette pas en valeur sa silhouette.
En Gamzatti, Anastasia Matvienko dévoile une technique brillante. Sa variation et ses fouettés sont impeccables et précis lors du pas d’action au deuxième acte. Son fort tempérament contraste avec la douceur de la Nikiya d’Olesya Novikova. Toujours dans le deuxième acte, l’idole dorée de Vasily Tkachenko m’a fait forte impression. De même que l’esclave de Yuri Smekalov.
Une Bayadère poétique dans le cadre du bicentenaire de Petipa
Le troisième acte est un pur instant de poésie. La descente des ombres de l’Himalaya avec ces danseuses en arabesque à l’unisson (et sans ciller) fait toujours son effet. C’est certainement le point d’orgue de ce ballet. Olesya Novikova y est éthérée et d’une douceur absolue, dévoilant à nouveau un magnifique travail de ports de bras. Elle est bien soutenue par son partenaire, lui aussi très en forme ce soir là. Ce dernier acte passe à toute allure, et on aimerait que le pas de deux du voile et ses tours arabesques se prolongent encore un moment. Le corps de ballet est impeccable et parmi les ombres, May Nagakisha (troisième variation) semble garder sa jambe suspendue en développé seconde indéfiniment. Ce ballet fait incontestablement partie de mes grands classiques préférés.
A la fin de la représentation, alors qu’une bonne partie des spectateurs a déjà quitté le théâtre, les rappels se prolongent. Et tant qu’il y a des applaudissements, les danseurs principaux reviennent saluer. Je n’ai pas compté les rappels (forts nombreux) mais Olesya Novikova et son partenaire sont revenus à plusieurs reprises pour quelques spectateurs. De longs applaudissements bien mérités, et un beau cadeau d’anniversaire (en avance) pour les 30 ans. La Bayadère est le premier ballet vu à Bastille (en 1998!), espérons que ce soit le premier d’une longue série au Mariinsky…