En invitant la Compañia national de Danza d’Espagne, le Théâtre national de Bretagne (TNB) a fait un beau cadeau au public rennais. La compagnie dirigée depuis 2011 par le danseur Étoile de l’Opéra de Paris José Martinez est venue avec dans ses bagages trois œuvres majeures de William Forsythe : The Vertiginous Thrill of Exactitude, Artifact Suite et Enemy of the figure. Ce spectacle était donné dans le cadre du « Parcours Forsythe » mis en place par le TNB, le Musée de la danse et les Champs-libres, qui expose depuis fin mars l’objet chorégraphique « Nowhere and everywhere at the same time, N°2 ».
Avec ses célèbres tutus jaunes en forme de coupole, The Vertiginous Thrill of Exactitude est un condensé de virtuosité. Cette pièce pour cinq danseurs (trois femmes, deux hommes) rend hommage à la technique classique et aux grands maîtres Marius Petipa et George Balanchine. L’an dernier, les petits rats m’avaient impressionnée dans ce morceau de bravoure. Les danseurs de José Martinez n’ont pas dérogé à la règle. Enchaînant sauts et pirouettes, ils suivent le rythme effréné du dernier mouvement de la Symphonie n°9 de Schubert. Le chorégraphe américain décline dans cette pièce le vocabulaire de la danse classique. Il en casse les codes en variant les ensembles. Une entrée en matière vivifiante bien servie par les danseurs de la compagnie, qui donnent le ton de cette soirée. Sans aucun doute, l’un de mes Forsythe préférés (avec In the middle bien évidemment!).
La représentation se poursuivait avec une autre oeuvre majeure du chorégraphe : Artifact Suite. Ce ballet est caractéristique du travail de construction et de déconstruction de la grammaire classique du chorégraphe américain. J’ai découvert cette pièce il y a dix ans lors d’une soirée mixte Balanchine/Noureev/Forsythe à l’Opéra de Paris. A l’époque, mon œil d’apprentie balletomane n’avait pas su capter la richesse de la chorégraphie, ni l’importance de la scénographie. Avec le rideau qui s’abaisse et se relève, la mise en scène interpelle le spectateur. Artifact Suite permet d’apprécier la danse pure, sans artifice (les danseurs ne sont vêtus que de tuniques ou d’académiques) et marque par son esthétique.
Les trente-sept danseurs sont tour à tour en ligne, positionnés en fond de scène, en diagonale. Ils dansent en canon ou parfois à l’unisson, suivant la dame d’argile comme un orchestre suit son chef. Les deux couples permettent d’apprécier la technique de Forsythe. Le mouvement est poussé à l’extrême, à la limite du déséquilibre avec ces corps qui semblent sortir de l’axe pour mieux y revenir. La deuxième partie (ma préférée est superbe. Les ensembles sont réglés au millimètre près et laissent apprécier la pureté du mouvement jusqu’au clap final. Un régal pour les yeux.
Trois oeuvres majeures de Forsythe
Le programme se terminait avec Enemy in the figure, extrait du ballet en trois parties « Limb’s Theorem ». Le dispositif scénographique est tel que les danseurs, positionnés autour d’une palissade en bois. Ils passent de l’ombre à la lumière grâce à un projecteur qu’ils manipulent tour à tour. Pas d’argument, l’oeil se plait à dériver et à suivre le mouvement. L’ambiance est plus sombre et tourmentée. Ma place centrale le samedi après-midi me permet de découvrir l’ensemble de la scène, dont une partie était masquée le mardi. Une fois encore le dispositif scénique est efficace et les danseurs se donnent à 100%. On aimerait presque que cette soirée traîne en longueur…
Merci à José Martinez d’avoir concocté ce programme complet et bien construit. Merci aussi d’avoir amené William Forsythe sur la scène du TNB où les pointes et le classique/néoclassique se font trop rares. Enfin, bravo à la compagnie, débordante d’énergie, et qui compte de beaux talents !
En savoir plus sur le parcours Forsythe
L’hommage à William Forsythe se poursuit jusqu’au dimanche 6 mai. L’installation de pendules « Nowhere and everywhere at the same time, N°2 » est exposée jusqu’à cette date aux Champs Libres (entrée libre). Le Ciné-TNB projettera le samedi 5 mai à 18 heures le film « William Forsythe au travail d’André S. Labarthe. Le dimanche 6 mai, à l’occasion de l’évènement « Fous de danse », la compagnie Dance On ensemble interprètera Catalogue Duo sur l’Esplanade Charles de Gaulle.