Après presque un mois sans ballet, il me tardait de retrouver le chemin de l’Opéra. Ce fût chose faite hier avec la reprise du Roméo et Juliette de Noureev à l’Opéra Bastille. La première avait lieu ce samedi 19 mars avec les Étoiles Amandine Albisson et Mathieu Ganio dans le rôle des amants de Vérone. Dans ce registre, le danseur campe un Roméo idéal. Il incarne parfaitement l’amoureux transi, rêveur, un peu suiveur – comme Rudolf Noureev l’a voulu dans sa version du ballet – tour à tour charmé par Rosaline, puis éperdument amoureux de Juliette. Sa danse est racée, délicate et élégante. On aime la précision de ses variations et son sens du mouvement. Pour sa prise de rôle, Amandine Albisson se montre également superbe techniquement, enchaînant les variations sans grande difficulté. Sa Juliette est vive, espiègle et joueuse au premier acte, et devient de plus en plus femme jusqu’à ce que le drame se noue. Mais son interprétation manque de profondeur. Le partenariat fonctionne, il est harmonieux, mais ne transporte pas vraiment. Là où en 2011, Laëtitia Pujol (très belle Juliette soit dit en passant) et Mathieu Ganio s’accordaient beaucoup mieux. Ce manque d’alchimie se ressent surtout dans les deux premiers actes et les premiers pas de deux. Celui du balcon est réussi, mais il manque ce côté extatique et passionnel. C’est finalement au troisième acte que les deux interprètes semblent lâcher prise pour nous conduire jusqu’au drame final. Les deux prochaines représentations devraient permettre aux deux danseurs de mieux s’accorder.
Mais s’il y en a un qui éclipsait ses partenaires sur scène, c’est bien François Alu. Le danseur incarne Mercutio, le pitre de la bande des Montaigus. Bondissant, facétieux et provocateur à souhait, il est comme monté sur ressorts. Et on ne peut que rire devant ses pitreries et s’incliner devant ses variations exécutées avec brio. Et à ce titre, le trio formé par Mathieu Ganio, François Alu et Fabien Révillion (alias Roméo/Mercutio/Benvolio) est très équilibré : leurs personnalités se complètent vraiment très bien. Du côté des Capulets, Tybalt, le cousin de Juliette, est incarné par Karl Paquette, qui est toujours excellent dans ce genre de rôle (même si ma préférence va à Stéphane Bullion). Enfin, Rosaline est incarnée par la douce et séduisante Héloise Bourdon (sous employée pour cette reprise).
Revoir cette production de Roméo et Juliette est toujours un plaisir. La scénographie orchestrée par Noureev est plus que réussie avec ses effets directement inspirés du cinéma (le ballet a été chorégraphié au moment où Noureev tournait le film Valentino). Les scènes de ralentis et de vision sont visuellement très réussies, à l’instar du pas de trois au troisième acte où les fantômes de Tybalt et de Mercutio viennent hanter Juliette juste avant qu’elle ne prenne le poison. La danse des chevaliers est certainement le tableau phare de l’œuvre et fait toujours son effet. Une superbe production, portée par la partition poignante de Prokofiev.
Le ballet est à l’affiche jusqu’au 16 avril. Trois autres couples principaux se succéderont : Muriel Zusperreguy et Josua Hoffalt (attention le mardi 22 mars Muriel Zusperreguy sera remplacée par Myriam Oul Braham), Léonore Baulac et Germain Louvet, Dorothée Gilbert et Hugo Marchand, ainsi que Myriam Ould Braham et Mathias Heymann. Les deux derniers devraient réserver de belles surprises.
Amandine Albisson et Mathieu Ganio seront à nouveau en scène les 23 mars et 26 mars.
21 mars 2016 at 23 h 26 min
Il est clair que lorsqu’on a connu l’époque ou R&J étaient interprêtés par Monique Loudières et Manuel Legris, on reste plutôt sur sa faim . Et sans remonter si loin, lorsqu’on a vu tout simplement l’émouvante Laëtitia Pujol s’emparer du personnage de Juliette, Amandine Albisson a encore des progrès à faire pour ce qui est de la recherche de la vérité dans la dramaturgie de son rôle. Mathieu Ganio campe un Roméo très honorable, bien que à mon goût pas assez investi dans le tourment du célèbre amoureux. Un très beau danseur dans sa maturité . Mais ce sont les rôles secondaires qui m’ont le plus ému . Et notamment Fabien Revillon superbe de raffinement et d’intelligence dans sa danse. Un excellent Benvolio. Le Mercutio de François Alu répond aux attentes du public et déploie virtuosité et panache dans ce rôle taillé pour lui. Mon regret vient de ne pas avoir vu Héloïse Bourdon plus longtemps, elle irradie véritablement sur scène dans le personnage peu construit de Rosaline dont elle s’empare avec charisme et elle aurait fait de mon point de vue une Juliette absolument fantastique et mémorable . C’est dommage. Les décors sont somptueux de richesse et de beauté intemporelle et la musique de Prokoviev envoutante . Un spectacle à ne pas manquer pour ceux qui comme moi, attendaient à l’Opéra le retour d’un classique qui brûle les planches.