La Source de Jean-Guillaume Bart est un subtil mélange d’élégance et de finesse. La représentation du 13 décembre réunissait Ludmila Pagliero (Naïla, l’esprit de la Source), Karl Paquette (le guerrier Djémil), Laëtitia Pujol (Nourreda, promise au Khan), Vincent Chaillet (Mozdock, frère de Nouredda), Allister Madin (l’elfe Zaël) et Alexis Renaud (le Khan) sur la scène de Garnier.

Ludmila Pagliero et Karl Paquette

Il y a des ballets au cours desquels on prend beaucoup de plaisir à regarder le raffinement du travail de pointes, la qualité des pas et l’élégance du geste. C’est le cas de La Source, ballet sorti des oubliettes et revisité par Jean-Guillaume Bart, ancien danseur étoile de la compagnie, en 2011. 
Créé en 1866 d’après le livret d’Arthur Saint-Léon, sur les partitions de Léo Delibes et de Léon Minkus, l’histoire de la Source débute dans une clairière, à la frontière entre deux mondes, le premier imaginaire, où se côtoient elfes et nymphes ; le second, bien réel, représenté par les caucasiens et le guerrier Djémil.
Point commun entre ces deux univers, ils sont liés par un personnage, l’esprit de la Source, Naïla. Alors que Mozdock, chef des caucasiens, et sa suite conduisent sa soeur Nouredda vers le palais Khan. Le convoi s’arrête dans une petite clairière, au pied de la Source. Djemil, fasciné par la beauté de Nouredda, tombera éperdument amoureux d’elle. Il sera battu à mort par Mozdock, puis réanimé par Naïla. Avec la complicité des elfes, l’esprit de la Source, le guidera vers le Palais du Khan où Nouredda tente de prendre la place de Dadjé, la favorite du Khan. Naïla s’introduira dans le palais et séduira la Khan, qui laissera tomber Nouredda. Humiliée, cette dernière se laissera mourir. Djémil demandera alors à Naïla d’user d’un sortilège pour la sauver. L’esprit de la Source acceptera, ce qui conduira à son sacrifice.
Pour cette reconstruction, Jean-Guillaume Bart a misé sur une mise en scène épurée d’Eric Ruff, suggérant un vieux théâtre défraichi où les rideaux tombent en lambeaux, contrastant avec les costumes flamboyants de Christian Lacroix. Pas de cours d’eau, mais une suspension de cordes et de fleurs qui évoque la source. Ici, c’est la qualité de danse qui prime.

Laetitia Pujol, Nouredda



Ludmila Pagliero incarne l’immatériel Naïla, rôle qu’elle avait déjà dansé pour la première du ballet en 2011. Par sa personnalité et son caractère, on imagine plus aisément la danseuse dans des rôles plus flamboyants (comme Paquita ou Don Quichotte), mais Ludmila Pagliero donne à son personnage des allures de Sylphide, faisant ressortir son côté éthéré. Elle montre un beau travail de pointes, léger et moelleux. Ses ports de bras élégants révèlent les intentions de cet être immatériel qui tombe sous le charme de Djémil, qui fait à peine attention à elle. Dans le rôle du guerrier, Karl Paquette n’électrise peut-être pas le public par ses prouesses techniques, mais on s’attache à son personnage, bien terrestre, et totalement obnubilé par la belle Nouredda. Lors du dernier tableau, le pas de trois Nouredda-Djemil-Naïla est particulièrement évocateur. Malgré les dernières tentatives de Naïla et ses regards insistants, Djemil ne regarde que Nouredda.

Pour incarner la promise du Khan, cette nouvelle série voyait la prise de rôle de Laetitia Pujol en Nouredda (à la création, la danseuse était prévue dans le rôle de Naïla mais n’avait pas pu danser en raison d’une blessure). La danseuse donne de la profondeur et dévoile plusieurs facettes du personnage de Nouredda. Tantôt mélancolique, voire triste au premier acte, tantôt capricieuse, puis humiliée lorsque le Khan, envoûté par Naïla, se désintéresse subitement d’elle, Laetitia Pujol nous offre un beau rôle de composition. Une très jolie prestation de la danseuse qui transmet une émotion particulière à chacune de ses variations. 
Mais que serait l’histoire de la Source, sans le ténébreux et cruel Mozdock? Incarné par un excellent Vincent Chaillet, le personnage au caractère bien trempé, prête à sourire. Leader dans l’âme, le danseur incarne un chef des caucasiens viril, très sûr de lui, vif et violent. Très précis techniquement, il mène les danses caucasiennes avec grandeur. Protecteur, il couve Nouredda de près, n’hésitant pas à frapper à mort le guerrier Djemil, qui a osé se mettre en travers de son chemin. 
La Source perdrait également de son charme, sans l’elfe Zaël, fidèle compagnon de Naïla. Un rôle dans lequel s’illustre Allister Madin. Malicieux et bondissant à souhait, il offre une très jolie prestation, pleine de virtuosité et très applaudie par le public.
Quant au Khan, il était incarné par l’inflexible Alexis Renaud. Le pas de deux entre son personnage et Naïla, est l’un des moments les plus forts du ballet. Lui, totalement séduit, elle, dénuée de sentiments humains, n’ayant pas conscience de ce qui se passe.
N’oublions pas également Dadjé de Nolwenn Daniel, qui campe une favorite séductrice et sûre d’elle.



Entre les danses caucasiennes et celles des nymphes, la Source alterne perpétuellement entre les deux mondes. Les passages des nymphes sont de toute beauté, avec leurs tutus vaporeux aux tintes violines et bleutées, les nymphes envoûtent par leur grâce, leur raffinement. Un très beau tableau, certainement l’un des plus beaux du ballet. Mention spéciale également aux quatre elfes et à leur belle énergie. Bravo également à l’ensemble des caucasiens, pour leurs ensembles précis et dynamique, malgré la lourdeur des costumes.


Au final, une distribution équilibrée, juste, avec des personnages principaux qui racontent une histoire qui fonctionne. Un ballet fort agréable à redécouvrir en cette période de fêtes de fin d’année. Représentatif de la tradition et de l’élégance française, la Source est un petit bijou du répertoire. Un beau ballet à voir sans hésiter pour ces fêtes de fin d’année.
A lire sur le même sujet