Dès la publication des distributions du Lac des Cygnes, celle réunissant Myriam Ould Braham et Paul Marque a retenu mon attention. Lors de la dernière reprise, le cygne de la danseuse Étoile m’avait beaucoup marquée. Aujourd’hui premier danseur, Paul Marque est quant à lui l’un des jeunes talents (et future Étoile) de la compagnie. C’est donc avec grand intérêt que j’ai repris le chemin de Bastille le samedi 9 mars.

Myriam Ould Braham n’est peut-être pas un cygne à proprement parlé. Entendez par là, qu’elle n’a pas le cou allongé, si caractéristique de l’animal. Mais la danseuse Étoile a autre chose, quelque chose qui lui est propre. Une aura, une poésie et une autorité qu’elle dégage dès son entrée en scène au début du deuxième acte. Du haut du second balcon, malgré l’éloignement de la scène, les yeux (les jumelles plus exactement) sont comme aimantés et attirés par sa frêle silhouette. Elle a cette façon de cambrer, un travail du haut du corps et des bras harmonieux qui rendent son cygne blanc unique. C’est elle la reine des Cygnes.

Et il n’en faut pas plus pour que le jeune prince, incarné par Paul Marque, en tombe éperdument amoureux et qu’il se mette en tête de la délivrer de son triste sort. Il est bien plus captivé par cette femme-oiseau que par les scènes de cour du premier acte, au cours duquel il s’est distingué dans la variation lente. Certainement l’un des grands moments de cet acte et dans lequel il brille à la fois par sa technique, sa façon d’accélérer puis de ralentir  le mouvement et par son interprétation intelligente.

La spontanéité de Paul Marque contraste avec la sagesse du cygne blanc de la danseuse Étoile. Sa tristesse est perceptible, tout comme le poids qu’elle porte sur ses épaules. L’adage du deuxième acte est un doux moment de poésie, comme si les danseurs nous transportaient un court instant dans leur bulle. Le couple qu’il forme en scène est harmonieux, sincère et plein de tendresse.

Si tendre qu’on a du mal à imaginer, la frêle et douce Myriam Ould Braham prendre les traits du cygne noir. Que nenni, la danseuse s’est véritablement métamorphosée au troisième acte. Avec son complice Rothbart, campé par le convaincant Axel Magliano, elle mène en bateau Siegfried comme il se doit. Le pauvre prince, complètement épris d’Odette, voit en elle le cygne blanc tant désiré.

Les trois danseurs nous offrent un pas de trois au sommet. Égal à lui-même, Paul Marque est superbe techniquement et fait des merveilles. Myriam Ould Braham est piquante à souhait. Axel Magliano s’impose de son côté dans la variation de Rothbart. Pour pinailler, on pourrait dire que le début de la série de fouettés dans la coda manquent d’attaque et de rythme (mais ce serait faire la fine bouche).

Les quatre Grands Cygnes du 9 mars : Camille Bon, Laure-Adélaïde Boucaud, Emilie Hasboun et Ida Viikinkosky

Le quatrième acte nous plonge à nouveau dans la douce poésie des actes blancs. Avec le tableau de la lamentation des cygnes d’une part, mené par la jolie Camille Bon, mais aussi par le plaisir de retrouver le cygne blanc de Myriam Ould Braham, qui se sait désormais condamnée. Et on profite du dernier pas de deux, plein de desespoir, qui réunit les deux héros une dernière fois. Siegfried ne pourra rien y faire. Rothbart viendra lui arracher Odette des bras avant de mettre Siegfried à terre, après un dernier élan du danseur vers le génie maléfique.

Ce dernier acte est vraiment un chef d’œuvre. Et il faut à nouveau saluer le travail du corps de ballet, toujours à l’unisson si parfait lors de cette série. L’ensemble des Cygnes fait la magie de ces actes blancs. Dans les seconds rôles, on retiendra aussi le manège survolté de Jeremy-Loup Quer et toujours l’élégance de Fanny Gorse dans le pas de trois du premier acte, mais aussi les Czardas de Charline Giezendanner et Cyril Mitilian au troisième acte ou la Napolitaine pleine de charme d’Alice Catonnet et Simon Valastro.

Une chose est sûre, le public de Bastille était entièrement acquis à la cause de Paul Marque. À la fin de chacune de ses variations, les applaudissements étaient plus que nourris pour le danseur. Bien évidemment, beaucoup attendaient une nomination mais malgré les multiples rappels et les « bravos » clamés par le public, aucun micro n’est arrivé en scène. Nul doute que la récompense suprême arrivera. Peut-être sur Raymonda en décembre prochain?

Les quatre petits Cygnes du 9 mars : Marine Ganio, Pauline Verdusen, Alice Catonnet et Charline Giezendanner

Les quatre petits Cygnes du 9 mars : Marine Ganio, Pauline Verdusen, Alice Catonnet et Charline Giezendanner