Début avril, j’ai eu l’occasion de profiter d’un week-end mère-fille à Saint-Pétersbourg pour une escapade balletomane. Après une soirée au Théâtre Mariinsky avec la Bayadère, nous avons fait le lendemain une halte au Théâtre Mikhaïlovsky pour passer une soirée avec Giselle et ses willis.

Avec ses sièges oranges, le « petit opéra » ou Théâtre Michel en français fait partie de ses salles accueillantes et chaleureuses dans lesquelles on se sent bien immédiatement. Et après une journée à arpenter les galeries de l’Ermitage, le confort des fauteuils du « Bel-Etage » est plus qu’apprécié ! Ce théâtre a ainsi été nommé en l’honneur du grand duc Michel. Il est situé juste à côté du Palais Michel où se trouve aujourd’hui le Musée Russe (dont je recommande fortement la visite !).

Au contraire de La Bayadère qui est née à Saint-Pétersbourg, Giselle a fait le voyage en Russie depuis Paris. Le ballet romantique par excellence, créé en 1841, a disparu du répertoire parisien avant de revenir en France avec les ballets russes de Diaghilev au début du XXème siècle. L’argument conte l’histoire de la paysanne Giselle qui tombe sous le charme du comte Albrecht. Le jeune homme lui cache sa véritable identité. Mais lorsque Giselle comprend qu’il est comte et déjà fiancé, elle sombre dans la folie et meurt. Le second acte met en scène les Willis, qui sont les fantômes de jeunes femmes mortes avant leurs noces. Menées par leur reine Myrtha, elles se vengent en faisant danser jusqu’à la mort les hommes venus se recueillir sur leurs tombes. Par amour, Giselle sauve Albrecht de son funeste destin.

La version présentée au Théâtre Mikhaïlovsky est celle de Nikita Dolgustin (2008), un ancien interprète du rôle disparu en 2012. D’après les critiques, c’est l’une des versions qui se rapproche le plus de la version originale du ballet. On retrouve certaines différences dans le découpage, par rapport à la version présentée actuellement à l’Opéra de Paris. Le pas de deux des paysans arrive ici plus tard, une fois que les danseurs sont tous revenus en scène et non lorsque la cour revient de la chasse. De plus, la variation de la jeune paysanne dans ce pas de deux est différente. On notera aussi le côté « kitsch » de la production, avec ces lévriers en scène au premier acte (peu rassurés d’ailleurs) ou encore l’interprétation toujours appuyée voire exagérée.

Mais on se laisse vite prendre par le ballet et la production dont les décors sont particulièrement beaux et, qui, à eux seuls, valent le détour. Côté danseurs, le rôle-titre était interprété par Anastasia Soboleva, qui a fait ses classes à Moscou et a commencé sa carrière au ballet du Bolchoï jusqu’en 2013 où elle fût engagée au Mikhaïlovksy. La ballerine incarne une Giselle délicate et sensible, avec le soupçon de naïveté qu’il faut. Elle compose une scène de la folie touchante. Au second acte, elle devient la ballerine éthérée à la présence fantomatique, mais sans la présence scénique d’une Olesya Novikova, ni les équilibres interminables d’une Dorothée Gilbert. Si les pas sont parfois plus accélérés et rapides, le travail du bas de jambe est moins raffiné que celui de l’école française.

Andrea Lassakova, Myrtha

Andrea Lassakova, Myrtha

À ses côtés, Victor Lebedev est un Albrecht solide. Et Andrea Lassakova possède l’autorité nécessaire pour le rôle de la reine des Willis Myrtha. Comme nous l’explique notre guide, ce sont les « seconds couteaux » qui officient dans la troupe du Mikhailovsky (dont le directeur de la danse est l’espagnol Nacho Duato). À l’origine, les premiers classés de l’Académie Vaganova étaient engagés en premier lieu au Mariinsky, puis au Mikhaïlovsky.

Une belle production

Dans l’ensemble, c’est une belle représentation et le théâtre vaut le détour. Le personnel est accueillant. Il est juste dommage qu’un programme en anglais ne soit pas distribué. À noter pour les gourmands, un buffet copieux est dressé à l’entracte avec quelques blinis, toasts et pâtisseries (et un peu moins onéreux qu’au Mariinsky).

La salle orangée du Théâtre Mikhaïlovsky