Chaque année, dans le cadre de Transcendanses, la programmation du Théâtre des Champs-Elysées nous réserve bien des surprises côté danse. Parmi celles de cette saison, la venue du Ballet national du Canada avec Nijinsky de John Neumeier. Une compagnie rare sur la scène parisienne aujourd’hui dirigée par Karen Kain. De fait, mis à part certains noms bien connus outre-Atlantique (Evan Mc Kie ou Svetlana Lunkina entre autres), la plupart des danseurs sont peu connus du public. Cette soirée était ainsi placée sous le signe de la découverte puisque c’était également l’occasion de se plonger dans le ballet de Neumeier, bien connu pour sa Dame aux Camélias ou sa Troisième Symphonie de Mahler à Paris. Le ballet Nijinsky brosse le portrait du danseur et chorégraphe emblématique du début du XXieme siècle, célèbre pour ses sauts virtuoses, à l’heure où les Ballets Russes régnaient en maître sur la scène parisienne.
Aussi bien narratif qu’autobiographique, le ballet nous fait entrer dans les sombres pensées de ce danseur, qui après avoir été au sommet, a sombré dans la folie. Le spectacle débute ainsi à rideau ouvert (à l’instar de la Dame aux Camélias). Il s’ouvre sur le dernier spectacle en public de Nijinsky en janvier 1919, une dernière représentation au cours de laquelle souvenirs et hallucinations viennent se mélanger dans la tête du danseur, revenant sur des moments clés de sa carrière et de sa vie personnelle.
Dans les pensées confuses de Nijinsky
La soirée du vendredi 6 octobre permettait de découvrir le danseur Skylar Campbell dans le rôle de Vaslav Nijinsky. Ce dernier impressionne aussi bien par sa puissance scénique que par sa puissance physique. Le personnage qu’il compose est tout aussi fascinant que dérangeant. Le premier acte nous fait revivre la période des ballets russes, avec des incursions du Spectre de la rose (Vaslav Nijinsky a marqué à les spectateurs de l’époque dans le saut final de ce ballet), le poète des Sylphides qu’il dansait avec Tamara Karsinava (campée ici par la délicate Elena Lobsanova que l’on retrouve également en Nymphe ou Ballerine dans Petrouchka), ou encore le sulfureux Faune, qui avait fait scandale à sa création. Sonia Rodriguez qui interprète Romola, sa femme, est également une très belle interprète. Piotr Stanczyk joue quant à lui le rôle de Diaghilev, imprésario et amant du danseur. Un beau rôle de composition.
Plus sombre, le second acte marque le déclin de Nijinsky, qui sombre de plus en plus dans la folie. Il est marqué par des scènes faisant écho à la guerre et à la mort du frère de Nijinsky. La force qui se dégage de ces ensembles menée par la transe de Bronislava , la sœur du danseur, interprétée par Chelsy Meiss, est d’une grande intensité. Cette distribution permettait également de découvrir Evan Mc Kie en Petrouchka et Svetlana Lunkina en mère de Nikinsky, deux étoiles qui marquent par leur simple présence la scène. Tumultueux, Nijinsky ne laisse pas de marbre. Un ballet que l’on prend de plein fouet avec un sentiment qui est renforcé lorsque l’on se retrouve proche de la scène. A la fin, le parterre était debout.
Bravo à cette belle compagnie (sur la scène du TCE jusqu’au 8 octobre) !
Retrouvez l’intégralité de la programmation Transcendanses sur le site du TCE.