Mes amis s’étonnent toujours quand je leur annonce que le soir même je retourne voir le Lac des Cygnes à Bastille. « Mais c’est le même qu’il y a deux ans? C’est toujours la même production? Combien de fois as-tu vu ce ballet? ». Il faut alors leur expliquer que même si l’on connaît l’argument par cœur, même si, oui, le ballet a été repris il y a deux ans à peine, et bien on ne se lasse pas d’admirer les ensembles symétriques des cygnes, ni de voir d’autres danseurs dans les rôles principaux faire évoluer leur personnage ou aborder le rôle pour la première fois. Et chaque soir, selon les distributions, l’émotion ne sera pas la même.
Samedi, c’est une distribution trois étoiles que le public a pu apprécier avec Myriam Ould Braham, qui aborde cette saison le double rôle d’Odette/Odile pour la première fois, Mathias Heymann dans celui du Prince Siegfried et Karl Paquette, que l’on ne présente plus dans le rôle de Rothbart.
Dans cette relecture freudienne de Noureev, qui a recentré l’action sur le Prince, Mathias Heymann brille et montre son expérience du rôle. Quel moelleux dans sa danse! On savoure sa façon d’accélérer et de ralentir le mouvement, la netteté et la précision de ses pas. Épaulements, placement, tout y est. Sa variation lente au premier acte est un délice. Le face à face avec Karl Paquette, le précepteur, fonctionne bien. Ce premier acte est aussi l’occasion de découvrir le pas de trois dansé par la brillante Sae Eun Park, Fabien Revillion, qui a montré un beau travail de petite batterie, et Severine Westerman.

Attendue dans le rôle du cygne blanc, Myriam Ould Braham et sa frêle silhouette y font des merveilles. Ses bras si souples semblent désarticulés et rappellent les battements d’ailes du cygne. Son Odette est poétique et sensible. Sans conteste, l’adage du deuxième acte est l’un des grands moments de la soirée, avec deux solistes en osmose totale. Sans oublier, le corps de ballet, sublime ce soir qui a su mettre en valeur les étoiles. Dans les quatre petits cygnes, on ne peut passer à côté d’Eléonore Guérineau. Dans les quatre grands cygnes, c’est Héloïse Bourdon qui accroche les regards.

Karl Paquette, Myriam Ould Braham et Mathias Heymann

Karl Paquette, Myriam Ould Braham et Mathias Heymann

Au troisième acte, retour au palais pour les fiançailles du Prince. Léonore Baulac et François Alu ouvrent le bal avec la danse hongroise. Ils sont suivis par une danse espagnole de haute volée où l’on retrouve à nouveau une Stephanie Romberg très en forme (si ma mémoire est bonne, elle est filmée dans ce même rôle dans le DVD de 2005). La danse Napolitaine est un joli moment avec Eléonore Guérineau et Emmanuel Thibault. C’est finalement sur la troublante Odile que Siegfried, croyant retrouver Odette, jettera son dévolu. Le trio d’étoiles nous offre un superbe pas de trois, le moment de bravoure de ce troisième acte. Myriam Ould Braham est piquante en Odile. On sent sa complicité avec Mathias Heymann, ce qui rend leur jeu d’autant plus crédible. Quant à Karl Paquette, il excelle toujours dans le rôle du sorcier maléfique.

Le quatrième acte est un pur moment de poésie porté par la lamentation des cygnes. Mention spéciale au corps de ballet pour ce si beau passage. Après un dernier pas de deux déchirant entre Odette et Siegfried, les trois protagonistes se retrouvent pour l’affrontement final entre Rothbart et le Prince. Un dernier tableau magnifique pour cette soirée trois étoiles, menée par une distribution de haute volée (et à ne pas rater !).

Les Cygnes du Lac

Les Cygnes du Lac