Comment terminer son année danse en apothéose ? En allant voir une nouvelle Bayadère bien évidemment ! La représentation du samedi 19 décembre réunissait dans les rôles principaux Dorothée Gilbert, Hugo Marchand (remplaçant Mathias Heymann, souffrant) et Marion Barbeau. Une distribution très prometteuse, d’autant plus que les deux premiers protagonistes ont déjà été associés lors de la série de l’Histoire de Manon au printemps dernier avec succès (avec à l’appui les témoignages de nombreux balletomanes). Depuis, le jeune homme, mis en lumière depuis l’arrivée de la nouvelle direction, a été promu Premier Danseur lors du concours annuel de promotion, et c’est avec plaisir qu’on le retrouve faire sa prise de rôle en Solor. Très charismatique, Hugo Marchand possède une allure princière naturelle. Il a une prestance et une présence qui font qu’il s’impose immédiatement en scène. Très bon partenaire, il sait mettre en valeur ses danseuses, que ce soit Nikiya ou Gamzatti. Son interprétation est juste, sa technique est belle. Son Solor est félin et aérien. Peut-être que sa danse pourrait être encore plus explosive ? Il n’empêche que ses réceptions sont propres et silencieuses, et sa très belle série de double-assemblés au dernier acte est réussie avec brio. Un beau soliste en devenir !
À ses côtés, Dorothée Gilbert montre ici tout le travail accompli depuis sa première Nikiya il y a cinq ans. Quelle belle métamorphose. Celle qui dansait le rôle de la princesse Gamzatti avec panache a adoucit ses traits et affiné son jeu. Elle incarne une danseuse sacrée d’une grande sensibilité, très féminine et déterminée. On s’attarde sur le travail du haut du corps, sur l’ondulation de ses bras, sur sa cambrure serpentine et sur ses arabesques suspendues lors de sa variation au second acte. Les regards échangés avec Solor et Gamzatti renforcent l’intensité de cette variation du serpent et nous tiennent en haleine jusqu’au dénouement.
Entre les deux danseurs, le courant passe plutôt bien, même très bien. Rien n’est mécanique, tout semble naturel et spontané : il suffit de les voir s’élancer l’un vers l’autre lors du premier pas de deux. Ils donnent du relief aux deux personnages et nous racontent l’histoire de Solor et Nikiya.
De son côté, Marion Barbeau s’essayait pour la première fois au rôle de la princesse Gamzatti. Si son interprétation semble encore manquer de maturité, et que les traits sont forcés notamment dans la scène de la confrontation face à l’aplomb de Dorothée Gilbert, la variation des fiançailles met en avant sa technique affutée.
Mention spéciale au Fakir survolté d’Hugo Vigliotti, danseur à part, qui semble voler dans les airs. Dans la variation indienne, il transmet son énergie débordante à la salle aux côtés des infatigables Sabrina Mallem et Yann Chailloux. L’idole dorée esthétique de Fabien Révillion fait aussi son effet. Le grand pas est l’occasion d’admirer Hannah O’Neill et une certaine Héloïse Bourdon (entre deux représentations de Gamzatti…).
Le troisième acte est un moment de pureté et de beauté. Dorothée Gilbert y est éthérée et spectrale. La variation du voile n’est que poésie et douceur. Quelle belle alchimie entre les deux partenaires ! Mention spéciale aux Ombres, bien ensembles ce soir, qui apportent encore plus de magie à ce tableau hors du temps. La première variation des trois ombres met en avant les beaux équilibres d’Hannah O’Neill, la troisième les beaux ports de bras de Valentine Colasante. Ce dernier acte passe décidément trop vite !